Alors que la société gronde face au poids de l'impôt et que les fonctionnaires sont une cible facile, le rapport Pêcheur présenté le 4 novembre au Premier ministre sur la fonction publique s'est attaché à travers une analyse détaillée d'en mesurer la cohérence, la souplesse et d'établir les principales difficultés de son adaptation.

Face à ses détracteurs, l'exercice de démonstration de la première moitié de ce copieux rapport, avant d'arriver aux propositions de corrections, convainc. Voici huit vérités que le rapport semble étayer...

1/ Le statut des fonctionnaires est évolutif et a su s'adapter

Le rapport démontre que le statut a beaucoup évolué depuis les lois Le Pors de 1984-1986 qui ont posé les bases du statut moderne des fonctionnaires. 212 modifications réglementaires ont permis une adaptation permanente aux problématiques qui se sont posées au gré des années, de ladécentralisation et du rôle croissant des collectivités. Parmi les principaux points relevés pour la fonction publique territoriale, le rapport Pêcheur a souligné l'importance de :

la formation tout au long de la vie avec la réfome territoriale de 2007/2008 sur l'organisation de la formation (intégration, professionnalisation, tout au long de la carrière, prise de responsabilité), cf. décret n°2008-512
l'introduction de l'entretien d'évaluation en 2002 (décret n°2002-682) qui a évolué vers l'entretien professionnel expérimenté dès 2007 et qui va se généraliser avec la suppression volontaire de la notation
l'intégration direct dans un autre cadre d'emplois ou un autre corps de la fonction publique pour créer des passerelles pour les fonctionnaires entre les différentes fonctions publiques

Restent, comme le relève le rapport, les éternels débats. Par exemple, sur la suppression des "reçus-collés", ces lauréats de concours de la fonction publique territoriale qui perdent leur concours s'ils n'ont pas trouvé un employeur territorial dans les trois ans suivant la publication de la liste d'aptitude dudit concours. S'ils sont généralement moins de 10% dans ce cas, sur certains concours, la proportion des reçus-collés est sensiblement plus élevée.

Autre polémique sur la prime de fonction et de résultats (PFR), mise en place par Nicolas Sarkozy, à laquelle étaient opposées les organisations syndicales de la fonction publique... Et que le gouvernement actuel est en train de supprimer notamment dans les collectivités territoriales.

2/ Le dialogue social rénové

S'il y a eu des reculs, à l'instar du paritarisme devenu optionnel dans les comité technique (paritaire), le dialogue social a fortement évolué dans les années 2000. Non seulement le champ de la négociation a progressivement été étendu (égalité professionnelle, ). Mais les accords conclus au niveau local dans les collectivités entre employeurs et organisation(s) syndicale(s) ont plus de poids avec l'adoption du principe de validité des accords majoritaires.

3/ Politique salariale inégale

Le rapport considère que "la rémunération moyenne des fonctionnaires n'a pas été, à ce jour, décrochées de celles des salariés du secteur marchand, même si la situation est contrastée". Il souligne cependant que les évolutions salariales résultent principalement "des mesures catégorielles principalement indemnitaires ainsi que de l'avancement des agents".

Le rapporteur relève ainsi qu'en dix ans, l'indice n'a augmenté en moyenne que de 0,79 % par an (avant le gel du point d'indice), alors que l'évolution due à l'avancement ou la promotion interne correspond en moyenne annuelle à 1 %. Surtout, les inégalités sont importantes. Car un fonctionnaire sur six a vu son salaire net baisser en euros constants entre 2006 et 2010. Alors que la moitié d'entre eux ont eu une rémunération à la hausse (1,9% par an en euros constants en moyenne).

La forte hausse du nombre de bénéficiaires de la garantie individuelle de pouvoir d'achat (GIPA) confirme néanmoins l'érosion des rémunérations de la fonction publique. Se conjugue un second phénomène avec les hausses successives du bas de la grille procédant au "tassement général de la grille et une érosion de la hiérarchie des salaires" accentué par les relèvement du Smic (minimum garanti fonction publique).

Il est intéressant de constater la critique d'un système salarial "trop égalitaire". L'écart entre le minimum garanti (indice majoré 309) et le hors échelle G (rémunération maximale, IM 1501) n'est que de 4,85.

4/ Hausse de la part des primes dans les rémunérations

La part des primes représente aujourd'hui 18 % des rémunérations de la fonction publique territoriale (fonctionnaires). Surtout, elle a fortement augmenté (+ 4 % depuis 2000) sous l'effet de l'individualisation des rémunérations et la volonté de compenser de faibles revalorisations de la rémunération indiciaire.

Cette hausse de la part indemnitaire des rémunérations a également pesé sur les pensions en baissant significativement leur niveau en particulier pour les hommes.

Enfin, le supplément familial de traitement (2,29 euros pour un seul enfant) ne semble plus cohérent avec les évolutions du modèle familial (monoparental, famille recomposée...). De même avec l'indemnité de résidence qui n'est plus adaptée aux zones où le coût de la vie est plus élevé. Ou encore la nouvelle bonification indiciaire (NBI) "qui devait permettre de reconnaître les technicités ou responsabilités particulières attachées à certains emplois (...) Mais le dispositif a été progressivement dévoyé".

Autant de primes que le rapport considère coûteuses et plus adaptées.

5/ Resserrement de la grille et des carrières

Le rapport ne manque pas de relever le resserment de la grille des carrières des fonctionnaires, et parfois un manque de cohérence. Un exemple : le niveau de recrutement aujourd'hui attaché au niveau de diplôme n'empêche pas de trouver pléthore de fonctionnaires sur-diplômés au regard du niveau de leurs missions. À cela s'ajoute, directement en lien avec le resserrement des carrières, une "forte hétérogénéité dans les catégories".

Plusieurs acteurs critiquent également la référence au recrutement académique (niveau de diplôme), jugé trop réducteur.

6/ L'emploi non titulaire : impossible à résorber ?

Avec près de 20 % d'agents non titulaires, la fonction publique territoriale est le plus mauvais élève concernant le respect de l'emploi statutaire. Aussi, le rapport relève que non seulement les 17 plans de titularisation depuis 1950 n'ont pas suffi à résorber l'emploi contractuel, mais que celui-ci a cru rapidement (+ 2,5 % par an) depuis 2000.

Aussi, voit-il d'un bon oeil la loi du 12 mars 2012 qui, par son dispositif de résorption, tendra à limiter la reconstitution d'un volant d'agents non titulaires.

7/ Le fort taux de recrutements directs et ses dangers

Le recrutement au bas de l'échelle permet aux employeurs publics de recruter directement de futurs fonctionnaires sans le concours. Cette aptitude est très largement utilisée par les collectivités territoriales, qui il est vrai emploient 80 % d'agents de catégorie C. Ainsi, en 2011, sur les 36 500 recrutements dans les collectivités 23 500 ont été recrutés directement sans concours (que ce soit pour devenir contractuel ou fonctionnaire).

Aussi, les auteurs du rapport mettent-ils en garde contre le risque de "clientèlisme" ou de "localisme" dans les recrutements. Et insistent à la fois sur le respect de règles déontologiques (renouvelées par la prochaine loi de déontologie) et la capacité de la fonction publique à faire preuve de transparence dans sa gestion et ses décisions.

8/ Le choix d'une fonction de carrière toujours pertinent

Rappelant l'importance de l'unité de la fonction publique tant pour la cohérence des communautés de travail que pour la mobilité de ses agents, le rapport souligne le bien fondé des principes qui la régissent, jamais remis en cause par les gouvernements successifs. Ce modèle de fonction publique de carrière étant très majoritaire dans les pays de l'Union européenne.

Ainsi, il note que le principe de séparation du grade et de l'emploi, propre à la fonction publique de carrière, est un système qui permet de concilier la garantie de carrière et l'évolution (et affectation) sur différents emplois. Un principe qui, selon le rapport, stimule les agents en valorisant lorsque le développement professionnel s'appuie "tant sur le mérite que l'expérience acquise". L'engagement durable des agents étant un préalable.

Fonction publique : les huit vérités du rapport Pêcheur sur la carrière des fonctionnaires

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